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vendredi, 24 novembre 2017

République, reliques, et simonie...

Caen, place de la République, Laurent CHEMLA, Le Printemps, Claude JEAN, Sedelka, Joël BRUNEAU, Sonia de LA PROVOTE, Philippe LAILLER, Rives de l'Orne, Maurice BANSAY, modification n° 2 du plan local d'urbanisme (PLU) de Caen, secteur UPr, abattage d'arbres, Code du patrimoine, fouilles d'archéologie préventive, parking souterrain, maîtrise d'ouvrage de l'aménageur, redevance d'archéologie préventive, contrôle de légalité, recours gracieux

Gestion de patrimoine ?

Un bien curieux montage que celui imaginé par la municipalité et les services de la ville de Caen (ou de l'agglo, c'est tout comme), pour permettre à des intérêts privés, des sociétés de MM. Laurent CHEMLA (Le Printemps,etc.) et Claude JEAN, filles et gendre (Sedelka, etc.) de faire main basse à un coût acceptable sur une propriété publique (la moitié de la place de la Ré-publique).

Passons sur l'apparition ex-nihilo ou presque de ce projet, quelques mois seulement après les élections municipales. Un projet que le programme du maire n'annonçait pas, nous dit-on, du moins dans cette dimension ? Mais qui dormait sans doute quelque part, dans un tiroir... Qui pourrait aujourd'hui encore prétendre que les programmes électoraux engagent leurs auteurs ? Il suffit pour s'en convaincre de jeter un œil sur le volet urbanisme de celui que se proposaient de mettre en œuvre, au printemps 2014, Mme Sonia de LA PROVOTE (aujourd'hui sénatrice, et hier encore adjointe -à l'urbanisme- de M. Joël BRUNEAU), et son acolyte Philippe LAILLER. Un programme de petites maisons et de grands jardins à protéger d'urgence des appétits des bétonneurs, avant l'élection ; une débauche de bons gros permis de bétonner à grande échelle, une fois élus...

Passons aussi sur l'argument de vente de ce projet, la fameuse (et fumeuse) « redynamisation » du centre-ville et de son commerce. Comme si la vitalité commerciale était chose qui se décrète, comme si on ne nous avait pas déjà fait le coup avec la FNAC, et les Rives de l'Orne de Maurice BANSAY (entre autres associé de Silvio BERLUSCONI et de ses méthodes mafieuses dans l'affaire du centre commercial de Gruliasco près de Turin, cf. la Repubblica du 27 avril 1994, notamment, ou ce blog « Caennais si vous saviez », note du 21 février 2009). Comme si l'arrivée de la FNAC en son temps n'avait pas entraîné la disparition de pratiquement tous les libraires et disquaires de Caen. Comme si les Rives de l'Orne elles-mêmes étaient florissantes aujourd'hui (cases commerciales abandonnées, etc.), comme si on pouvait penser qu'elles auraient entraîné un développement du commerce de centre-ville...

Passons encore sur la modification n° 2 du plan local d'urbanisme (PLU) de Caen, approuvée le 4 avril 2017 par l'assemblée communautaire de Caen la Mer, aujourd'hui compétente. Après une enquête publique, qui s'est déroulée du 12 décembre 2016 au 20 janvier 2017, et « s'est très bien passée », comme le dit dans son rapport Mme Catherine de la Garanderie, commissaire-enquêteur. En 6 permanences, elle a en effet rencontré « une dizaine de personnes », et pense que « le caractère très technique de la grande majorité des 25 points constituant la modification [...] n'a pas encouragé le public à se déplacer ». Elle n'a là sans doute pas tort. Il y a eu aussi, il est vrai, 3 observations sur le registre d'enquête, et 3 courriers qui lui ont été annexés... Mais c'est bien maigre tout de même, car il paraît que Caen ville centre compte encore plus de 100 000 habitants, sans compter ceux de la communauté urbaine, puisque ce sont maintenant les 113 représentants de ses 50 communes (40 pour Caen) qui ont compétence en matière d'urbanisme.

Dommage, car c'est à cette modification n° 2 qu'on doit, pour notre place de la République, la transformation d'un emplacement réservé n° 3 (pour parking et espace vert) en un secteur UPr, « zone de projet dédiée à l'activité et au commerce ». La chose aura peut-être échappé aux représentants de Troarn (Saline!), de St Aignan de Cramesnil, de Brouay, Le Mesnil Patry (Thue et Mue) ou de Tilly la Campagne...

Passons enfin sur la désaffectation du parking en surface (aménagé à cet endroit il y a bien une soixantaine d'année), désaffectation préalable au déclassement de ce terrain d'un demi-hectare en plein centre-ville, ainsi passé du domaine public au domaine privé de la commune, et dès lors susceptible d'être vendu au premier venu (mais pas à n'importe qui), et à un prix qu'on pourrait dire d'ami à cet endroit, quand on sait qu'un terrain « encombré » de 595 m² (mais constructible à RdC + 4) peut se vendre 525 000€ au Calvaire St Pierre...

Et venons-en au dernier développement connu de ce dossier, la délibération n° 32 de l'ordre du jour du conseil municipal du 6 novembre 2017.

Une délibération qui « autorise le Maire à déposer une demande d'autorisation de travaux d'enlèvement d'arbres au nom de la commune sur la parcelle KX61 et à prendre tout acte nécessaire à l'exécution de la présente délibération. »

 

Qui c'est qui nous fait les fouilles ?

Approuvée par la majorité de droite et centre-droit de M. BRUNEAU, cette délibération lui permettrait donc de faire tronçonner, aux frais du contribuable caennais, une cinquantaine d'arbres, s'il en obtient l'autorisation...

Mais sauf à vouloir prendre le risque (en toute connaissance de cause) de se rendre complice d'une illégalité flagrante, les autorités administratives compétentes pour délivrer au maire cette autorisation seraient bien avisées de se plonger au préalable dans une lecture attentive du Livre V du Code du Patrimoine.

Qu'est-ce qui justifierait en effet l'abattage de cette cinquantaine d'arbres ? La nécessité de « fouilles d'archéologie préventive » sur ce site dont le sous-sol recèle encore les fondations de l'hôtel de ville de Caen (ancien couvent des Eudistes) détruit en 1944, vestiges dont la réalisation du parking souterrain projeté entraînerait irrémédiablement la destruction.

Et à qui incombe la réalisation de ces fouilles ? La réponse est (notamment) dans l'article L. 523-8 du Code du Patrimoine :

« L'Etat assure la maîtrise scientifique des opérations de fouilles d'archéologie préventive mentionnées à l'article L. 522-1. Leur réalisation incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux ayant donné lieu à la prescription... »

ou dans l'article R. 523-41 du même code :

« Les opérations de fouilles archéologiques prescrites par le préfet de région (...) sont réalisées sous la maîtrise d'ouvrage de l'aménageur. »

Mais, dans l'affaire qui nous occupe ici, cet « aménageur », cette « personne projetant d'exécuter les travaux » est-ce la commune représentée par son maire ? Non bien sûr.

L'aménageur, c'est (comme tout le monde le sait depuis belle lurette) le groupement des sociétés de MM. Laurent CHEMLA (Le Printemps,etc.) et Claude JEAN, filles et gendre (Sedelka, etc.)

 

La redevance d'archéologie préventive...

Et ce n'est bien sûr pas tout. La réalisation de fouilles n'est évidemment pas gratuite. Et pour financer la gratuité de certaines d'entre elles (nous ne détaillerons pas), on a prévu l'institution d'une « redevance d'archéologie préventive », laquelle est « due par les personnes, y compris membres d'une indivision, projetant d'exécuter des travaux affectant le sous-sol et qui: a) Sont soumis à une autorisation (...) en application du code de l'urbanisme; (...) » (article L. 524-2 CPat)

« Le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive est: a) Pour les travaux soumis à autorisation (...) en application du code de l'urbanisme, la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager (...) » (article L. 524-4 CPat)

« Le montant de la redevance d'archéologie préventive est calculé selon les modalités suivantes: I. – Lorsqu'elle est perçue sur les travaux mentionnés au a de l'article L. 524-2, l'assiette de la redevance est constituée par la valeur de l'ensemble immobilier déterminée dans les conditions prévues aux articles L. 331-10 à L. 331-13 du code de l'urbanisme.

« Le taux de la redevance est de 0,40 % de la valeur de l'ensemble immobilier. (...) » (article L. 524-7 CPat)

 

Petit détour imposé par le Code de l'urbanisme...

Les articles L. 331-10 à L. 331-13 du code de l'urbanisme dont il vient d'être question traitent des questions d'assiette et de calcul de la taxe d'aménagement :

« L'assiette de la taxe d'aménagement est constituée par: 1° La valeur, déterminée forfaitairement par mètre carré, de la surface de la construction; 2° La valeur des aménagements et installations, déterminée forfaitairement dans les conditions prévues à l'article L. 331-13 (...) ». (article L. 331-10 Curb).

« La valeur par mètre carré de la surface de la construction est fixée à 660 € (...) » (article L. 331-11 Curb).

« La valeur forfaitaire des installations et aménagements est fixée comme suit: (...) 6° Pour les aires de stationnement non comprises dans la surface visée à l'article L. 331-10, 2000€ par emplacement, cette valeur pouvant être augmentée jusqu'à 5000 € par délibération de l'organe délibérant (...) de la collectivité territoriale ou de l'établissement public compétent en matière de plan local d'urbanisme (...) » (article L. 331-13 Curb).

Pour un projet comme celui des promoteurs de cette halle commerciale de la place de la République, le montant de la redevance d'archéologie préventive légalement due par l'aménageur est donc de plusieurs dizaines de milliers d'euros (on laissera les services compétents en calculer le montant exact).

 

D'où il ressort principalement que...

1°) qu'en inscrivant à l'ordre du jour des délibérations de son conseil municipal du 6 novembre 2017 la question n° 36 (l'abattage des arbres de la place de la République, préalable aux fouilles d'archéologie préventive), la municipalité de Caen s'est indûment substituée à l'aménageur parfaitement connu de tous, et a méconnu les règles posées par le Code du Patrimoine ci-dessus exposées, et qu'en conséquence cette délibération n° 36 doit être considérée comme illégale ;

2°) que l'abattage de ces arbres, s'il devait un jour s'avérer nécessaire, ne pourrait avoir lieu qu'après la délivrance à l'aménageur d'un permis de construire en bonne et due forme, et donc après que ce dernier ait acquis la propriété du terrain d'assiette de son projet, ou dispose d'une promesse de vente de ce terrain que seul le conseil municipal de la commune peut lui consentir ;

3°) qu'une décision d'un conseil municipal ou d'un maire (comme cette délibération n° 36) ne peut avoir pour effet ou pour but de permettre au redevable d'un quelconque impôt, taxe ou redevance d'éluder le paiement de ces contributions, ni de mettre à la charge de la collectivité des dépenses (abattage d'arbres, fouilles) qui incombent en droit à une ou plusieurs personnes physiques ou morales clairement définies.

 

Cette délibération n° 36 encourt donc manifestement l'annulation, que ce soit après une demande de contrôle de légalité à formuler auprès du préfet (s'il consent à la déférer au TA), ou suite à un recours gracieux auprès du maire, lui demandant de soumettre à son conseil municipal une demande de retrait de cette délibération...

 

 

 

 

 

mercredi, 03 mai 2017

République à vendre...

 Enquête publique du 18 avril au 3 mai 2017, place de la République à Caen, déclassement du domaine public, parking de surface république à Caen, ancien couvent des Eudistes à Caen, Claude JEAN, Sedelka, famille CHEMLA Caen, JEL Diffusion, le Printemps Caen, halle gourmande, parking souterrain, palais Fontette, Groupe Virgil,

Place aux intérêts privés!

Enquête de déclassement du domaine public du parking en surface "République"

du 18 avril au 3 mai 2017

Observations adressées à Mme Aude BOUET-MANUELLE, commissaire-enquêtrice

 

Madame,

Le déclassement (du domaine public) du parking existant depuis des lustres sur le site de l'ancien couvent des Eudistes, devenu l'hôtel de ville de Caen lors de la Révolution, jusqu'à sa destruction en juin et juillet 1944, n'est évidemment que la première formalité permettant la cession à des intérêts privés (bin d'cheu nous) d'une partie du patrimoine commun des caennais, de tous les caennais (res publica) pendant plus de 2 siècles.

A supposer que le projet des familles (caennaises) JEAN (Claude, Sé, Del et Ka + Monsieur gendre, promoteurs immobiliers bien en cour depuis longtemps) et CHEMLA (Le Printemps, l'ex-Chambre de Commerce, la pharmacie du Progrès, etc., etc.) présente vraiment le moindre intérêt pour le développement de l'activité dans notre bonne ville, ce dont je doute (faire venir les touristes dans un énième grand magasin, quelle farce!), il pourrait au moins être prudent, pour une municipalité soucieuse de l'avenir, de ne pas céder définitivement ce demi-hectare en plein cœur de la ville à ces opérateurs privés, sans le moindre espoir de retour.

Un bail à construction, d'une durée de 30 ans par exemple (comme naguère pour le Mac-Do côte de Nacre) serait amplement suffisant, s'il est toutefois vraiment souhaitable de doter notre place de la République, même pour quelques décennies seulement, d'une attraction foraine du type palais des glaces à étages (avec « food-court », « roof top », espace de « co-working, etc.)...

Une vraie place, une grande place (des rues du Pont St Jacques et de Strasbourg à la rue St Laurent), débarrassée de sa fontaine hors service et de ses carrés d'herbe sale, ne serait pas un luxe pour Caen, qui (sans « halle gourmande » pour l'y aider) s'est quand même bigrement développée depuis le temps des places royales (quelle hypocrisie aussi la référence dans ce dossier à cette place royale de jadis, à laquelle il conviendrait de rendre son quatrième côté !... ). Dans cette hypothèse, le déclassement devient inutile. La désaffectation, déjà décidée, est amplement suffisante.

 

Si l'on avait le temps, et le goût de le faire, on pourrait, au delà du maigre dossier de cette enquête, éplucher l'abondante prose publicitaire mise en ligne par la municipalité sur le site de la mairie (ici et ,135 pages). On y trouverait sans peine de quoi mettre en évidence l'inopportunité de ce projet, et les arguments douteux mis en avant pour le promouvoir. Quelques exemples :

 

 La liaison piétonne traversant les jardins de la Préfecture (ou du Conseil Général) ? Elle est gravée dans le marbre des POS et PLU successifs depuis décembre 2000. Mais Anne d'Ornano (alors présidente du Conseil Général) n'en a jamais voulu, et rien n'indique que quoi que ce soit ait changé aujourd'hui...

 

Le parking souterrain de 450 places ? « Les tarifs des parkings souterrains Doumer et République seront harmonisés avec ceux du parking aérien (1,50€/heure) pour inciter les usagers à utiliser ces parkings souvent sous-utilisés ».

Quand un équipement est souvent sous-utilisé (et on ne dit rien du troisième parking souterrain public à deux pas de là, à l'hôtel de ville), quand donc un nouvel équipement ne s'avère pas vraiment utile, il n'y a manifestement rien de plus urgent pour nos édiles que d'en programmer la réalisation...

 

La « réhabilitation du palais (de justice) Fontette en hôtel » ? C'est une farce ? Mme de la Provoté (qui n'en peut mais) a semble-t-il renoncé à y caser des marchands de légumes. Et il ne semble pas que le Conseil Général, propriétaire de ce bâtiment, soit en négociation avec un acquéreur potentiel. Un plaisantin, peut-être. Ou un candidat au suicide économique.

C'est en tout cas un des « arguments » qui ont permis d'écarter la candidature du Groupe Virgil (intégrant un hôtel à son projet). Un inconnu ici, ce Groupe Virgil, un horsain en quelque sorte...

 

Quant aux «halles gourmandes», c'est très à la mode, en France (Toulouse, Montpellier, etc.) et ailleurs (Londres, Barcelone, Copenhague...). Il est donc absolument indispensable que Caen dispose aussi de ses «halles gourmandes», tout comme ses entrées de ville (Mondeville, par exemple) proposent aux chalands la même kyrielle d'enseignes interchangeables que celles qui font le charme de toutes les entrées de villes de France, d'Europe et d'ailleurs. Originalité et attractivité sont les deux mamelles du commerce, de centre-ville ou de périphérie...

Mais ces «halles gourmandes» (« locomotive » du projet, du moins sur le papier, pour en faire la « réclame ») n'occuperont aussi qu'une petite partie du projet (les parties basses du « Triangle »). Le gros morceau (le « Forum ») sera lui un Bonheur des Dames classique. Un Printemps-bis. Pas franchement original non plus, mais rentable, semble-t-il...

 

Conscient enfin de la parfaite inutilité de ces quelques observations (on ne change pas une équipe qui gagne), et désireux de ne pas vous faire perdre votre temps, comme j'ai moi-même sans doute perdu le mien, je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de ma considération distinguée.

 

 

 

 

 

 

vendredi, 19 juin 2015

La pataphysique, outil d'élaboration des règles d'urbanisme dans les anciens faubourgs de Caen

le père Ubu 3.jpg

Zone UBu

On sait depuis plus de 100 ans que la pataphysique est la «science des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité» (Alfred Jarry, Gestes et opinions du docteur Faustroll). Mais soucieux d'être bien compris, il nous faut évidemment apporter cette lumineuse précision, extraite du même ouvrage: «l'épiphénomène étant souvent l'accident, la pataphysique sera surtout la science du particulier, quoiqu'on dise qu'il n'y a de science que du général. Elle étudiera les lois qui régissent les exceptions et expliquera l'univers supplémentaire à celui-ci».
Cette brève introduction, quoiqu'un peu théorique, était cependant nécessaire afin de mieux cerner les enjeux de la révélation du jour: le Plan Local d'Urbanisme (PLU) de la ville de Caen (approuvé le 16 décembre 2013 par son conseil municipal, et mis en œuvre sans états d'âme depuis plus d'un an par M. Joêl BRUNEAU et sa première adjointe Sonia DE LA PROVOTE) est en fait l'oeuvre du Docteur Faustroll lui-même, pataphysicien, épidémiologiste, et auteur de remarquables travaux concernant le calcul de la surface de Dieu («Dieu est le plus court chemin de zéro à l'infini, dans un sens ou dans l'autre»).
Pendant les 6 ans de sa présence aux affaires (comme on dit), l'avatar du Docteur Faustroll n'a cependant pas souhaité agir sous son propre nom, mais préféré l'usage d'un banal pseudonyme. Il est vrai qu'il n'était pas roi de Pologne comme le Père Ubu, et n'avait pas l'usage du crochet à phynance. Mais il a honnêtement collaboré au fonctionnement local et intercommunal de la machine à décerveler.

 

Tant que le bâtiment va, et la cruche à l'eau...

Tout candidat au bac philo a entendu parler de Claude Bernard et de la méthode expérimentale: la validité de toute théorie (comme le génial PLU des géniaux Philippe DURON et Xavier LE COUTOUR) s'éprouve par l'expérimentation et l'application sur le terrain.
Une chose est sûre, ces deux-là voulaient, pour des raisons que nous ne détaillerons pas ici, construire partout (et n'importe où, voire n'importe quoi, dans la droite ligne de la politique de leurs prédécesseurs).
Côté quantité, c'est réussi, on n'a jamais vu autant de chantiers et de grues aux quatre coins de notre ville. Et du lourd, du massif, à tel point que de loin on a parfois l'impression que c'est construit au milieu de la route (comme La Charité offerte aux riches, à la sortie de Caen rue de Falaise, ou le silo à étudiants de Kaufman & Broad au Péricentre, avenue de la Côte de Nacre, 10 étages, 286 petits logements avec vue imprenable sur le périphérique pour les plus chanceux -fenêtres fermées il va de soi-). Kaufman, ça veut pas dire marchand ? Et broad, en gros ? La pompe à phynance fonctionne à plein régime. Ou à tout rompre...


Petit promoteur cherche terrain zone UB.

Le problème, c'est qu'une fois construits (en une trentaine d'années) tous les espaces un peu conséquents et encore disponibles (les champs de la Folie-Couvrechef, l'ancienne zone artisanale de la Cité Gardin, la zone de carrières de Beaulieu, les anciennes casernes comme ZAC Decaen, rue Daniel Huet et à La Grâce de Dieu, les anciennes terres d'Eglise comme le Bon Sauveur, les terrains de Lemonnier, la Charité, les rives de l'Orne et du canal, l'ancien hôpital Clémenceau, bientôt peut-être les prisons caennaises, etc.), il ne reste plus guère qu'une zone portuaire sur remblais, artificiellement et provisoirement à l'abri des inondations, et les anciens faubourgs, pour certains déjà rasés (cités-jardins et cités ouvrières d'habitat social individuel remplacées par du collectif, comme au Clos-Joli).
Evidemment, on ne touche pas encore au pavillonnaire privé des lotissements d'après guerre, classés en zone UC du PLU. Faut tout de même garder des électeurs...
Mais on reprend en l'amplifiant la méthode appliquée aux zones UB dans le POS de décembre 2000 (celui du regretté François SOLIGNAC-LECOMTE et de Luc DUNCOMBE). On déclasse en zone UB d'anciens espaces UC déjà «mités», on plaque sans discernement, le long de toute voie pouvant être qualifiée de boulevard, des secteurs UBa aussi constructibles qu'en centre-ville. Et on fait s'enfoncer profondément en arrière (et sans justification de bord de boulevard à vocation prétendument «très urbaine») ce secteur UBa, jusqu'en plein tissu pavillonnaire, comme en haut de la rue de la Délivrande...
Le petit promoteur local, qui ne peut jouer dans la cour des grands (Eiffage, Bouygues, Nexity et consorts, mais aussi WEBRE, Claude JEAN, etc.) est friand de pavillons à détruire sur des terrains très constructibles. J'en veux pour preuve ma boîte à lettres... Sans doute doit-il aussi se montrer plus généreux que l'acquéreur lambda, mais le prix d'un terrain n'est-il pas fonction des droits à construire qui vont avec ? S'il s'en donne la peine, il trouve des vendeurs. Exemple:
http://caennaissivoussaviez.hautetfort.com/archive/2014/10/14/des-precautions-a-prendre-dans-l-utilisation-volontiers-optimale-pour-les-p.html
Et il s'accroche, le bougre ! Quand son permis est retoqué, il en demande un autre (ou plutôt le même)...


La zone UBu, d'un bout à l'autre de la ville.

L'exemple évoqué ci-dessus est celui du premier permis Millet-Chilou au 160 rue de la Délivrande (permis retiré pour cause de grave incompétence professionnelle de ses concepteurs et du service censé en vérifier la conformité aux règles applicables). Et bien ce permis a depuis le 4 de ce mois de juin un petit frère, déclaré viable par Mme Sonia DE LA PROVOTE, sage-femme, bien que ressemblant comme deux gouttes d'eau à son aîné mort-né, à un grossier défaut près.
Mais le temps n'est pas venu de se prononcer sur ses chances de survie, ni de parler des autres interventions dans ce quartier du Cabinet Millet-Chilou, comme ce permis du 19 février 2015 pour la construction juste à côté, dans l'enceinte des lycées Dumont d'Urville et Laplace, d'un Centre d'hébergement et de ressources pour sportifs de haut niveau. Chaque chose en son temps...
Non, ce dont je veux vous parler aujourd'hui, près de 3 mois après l'heureux épilogue de cette autre affaire, c'est d'un autre bel exemple de projet délirant en zone UBu, à l'autre bout de cette ville, rue Savorgnan de Brazza, quartier de la Maladrerie.


124 m² de mur aveugle à 5m de leur façade...

Trentenaires, Michaël et son épouse sont propriétaires, dans la cour du 18 rue Savorgnan de Brazza, d'une petite maison constituée d'un simple rez-de-chaussée. De l'autre côté de la cour, des locaux commerciaux et d'activité; entre eux et la rue (au sud) deux garages.
Mais voilà que début janvier 2015, ils découvrent sur le mur (sur rue) de ces garages l'affichage d'un permis de construire délivré le 10 décembre précédent à une SCI qui prétend construire, à la place de ces garages et sur un terrain de 113 m² (!), un petit immeuble de 2 logements sur 3 niveaux et 9,64m de hauteur...   
A la mairie, où ils sont allés consulter le dossier, on leur affirme que ce permis est parfaitement conforme aux règles du PLU, zone UB. S'ils ne font rien, ils auront bientôt devant leurs fenêtres, à 5m de leur façade, un mur aveugle de 3 fois sa hauteur (9,64m), sur 12,87m de large. La prison à perpétuité, à deux pas de la prison. Plus de lumière, plus de soleil, et quelle vue  !


Caen sacrifié « sur l'autel du dogmatisme
de la densification urbaine »
(Sonia de La Provôté, le 16 décembre 2013)

Seulement voilà, ils ne se sont pas laissés faire, et ont adressé au maire de Caen un recours gracieux, détaillant en pas moins de 5 points en quoi le permis signé par Mme Sonia de LA PROVOTE méconnaissait les règles applicables de l'urbanisme et du PLU de Caen, et en ajoutant un sixième concernant l’illégalité des dispositions du PLU soulevée par voie d’exception, s’agissant du zonage et/ou du règlement du secteur UB dans cette partie du territoire communal.
Ils y soulignaient notamment le côté inadapté de diverses dispositions de ce PLU en zone UB (comme ailleurs, bien entendu): -article 5 (caractéristiques des terrains) non réglementé (c'est ainsi qu'ici un terrain de 113 m2 devient constructible sur toute sa surface, sans autres conditions, sur 3 niveaux jusqu'à 10,5m de hauteur); - article 7 (implantation en limites séparatives et bande de constructibilité de 13m de profondeur, soit 4m de plus que la profondeur de ce terrain); - article 9 (emprise au sol de 100%); - article 13 (les espaces verts sont la cinquième roue du carrosse, et passent bien sûr après la sacro-sainte constructibilité...); - article 14 (coefficient d'occupation des sols non réglementé, autre puissant facteur d'urbanisation des confettis)...
Pour consulter le texte complet de leur recours (un petit exemple est toujours utile), il suffit de cliquer sur le lien suivant  :  

[recours gracieux Savorgnan de Brazza]


« Un maire adjoint à l’urbanisme n’est pas là
pour accepter tous les permis de construire »

Ils sont restés sans nouvelles pendant pas loin de 2 mois, jusqu'à ce qu'un voisin leur raconte qu'il avait vu le titulaire du permis, lequel l'avait informé du retrait de cette autorisation. Mais de la mairie de Caen, ils n'auront jamais la moindre nouvelle... La France d'en-bas (comme on a pu dire naguère dans certains milieux), on ne la courtise (et fait semblant de la respecter) qu'en période pré-électorale. Quoi qu'il en soit, ils ont pu vérifier que Mme Sonia de LA PROVOTE, qui, par sa signature, avait accordé ce permis, avait dû admettre moins de 3 mois plus tard que c'était à tort, l'implantation de la construction devant se faire en retrait de 5m par rapport à l'alignement (article UB 6.2.1), comme indiqué dans leur recours. Cet arrêté de retrait du 6 mars 2015 est reproduit ci-dessous.

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(cliquer pour agrandir)

 

Happy end donc pour les habitants de cette petite maison. Mais combien d'autres, moins réactifs, auront laissé passer les 2 mois du délai de recours, ou méconnu les règles formelles de ce recours (comme l'envoi en recommandé d'une copie au titulaire du permis contesté) ? Et est-ce bien au citoyen de base de vérifier la légalité des permis délivrés ? A quoi servent dans ce cas les services instructeurs, et les adjoints censés assumer la responsabilité des décisions qu'ils prennent ?
Décidément, «Un maire adjoint à l’urbanisme n’est pas là pour accepter tous les permis de construire», comme le déclarait Mme Sonia de La Provôté, le 16 décembre 2013, jour où le PLU nouveau était soumis à l'approbation du précédent conseil municipal. Et il ne suffit pas de l'avoir dit, en tant que candidat au califat à la place du calife. Il faut le faire.


Si les 2 permis de construire dont il a été question ici, en zone UB pour l'un et secteur UBa pour l'autre, ont été jugés inacceptables par les voisins concernés, c'est certes en raison des règles excessives et confuses que d'aucuns ont fait figurer dans le plan d'urbanisme. Des règles souvent immédiatement contredites par toute une kyrielle d'exceptions qui font de ce document un pur produit de la pataphysique, « science du particulier », étude des « lois qui régissent les exceptions ».
Mais cela n'exonère pas de leur responsabilité ceux qui, après avoir âprement critiqué ce PLU et le «dogmatisme de la densification urbaine» dont il est la traduction, doivent tirer les conséquences de ces critiques (qu'on ne veut pas croire de pure tactique électorale), en envisageant sérieusement et rapidement la correction des excès qu'ils (ou elles) dénonçaient naguère, et à tout le moins en se montrant vigilants lors de la délivrance d'autorisations au regard des règles excessives et contestables de ce PLU.

 

 

Et pour finir, une petite chanson de Dick Annegarn...